Le blog de Mgr Claude DAGENS

COMMUNIER AU CHRIST. Homélie lors de la célébration du Jeudi Saint, à Saint-André d'Angoulême, le 5 avril 2012

10 Avril 2012 Publié dans #Homélies

           « La nuit même où il était livré, Jésus prit du pain, puis, ayant rendu grâce, il le rompit, et dit : “Ceci est mon corps, qui est pour vous. Vous ferez cela en mémoire de moi.” Après le repas, il fit de même avec la coupe, en disant : “Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang. Chaque fois que vous en boirez, faites cela en mémoire de moi.” »

            Jésus est fidèle au rite juif du repas pascal, qui est le mémorial de la Pâque, de ce geste par lequel Dieu a libéré son peuple de l’esclavage en Égypte et l’a guidé vers la Terre promise. Jésus accomplit les gestes de la Pâque juive, mais en rompant le pain et en distribuant la coupe de vin, il crée pour toujours cette réalité nouvelle que nous appelons l’Eucharistie. Par ce geste étonnant, il devance les événements du lendemain : il va être livré à ses ennemis, mais ce soir-là, cette nuit-là, il a déjà comme vaincu la mort qui va le briser en faisant que ce pain et ce vin deviennent les signes réels de son sacrifice, de sa Passion et de sa Pâque.

         Jeudi saint 1   Sur le moment même, dans l’émotion de ce dernier repas, les apôtres n’ont pas compris. Comme Simon-Pierre, lorsque Jésus s’est agenouillé à ses pieds pour les laver et les essuyer. Ce geste fraternel, qui exprime une amitié et un don sans limites, Simon-Pierre n’en veut pas. Il refuse cet abaissement de Jésus, le Seigneur et le Maître. Il n’imagine pas qu’en Jésus, Dieu lui-même puisse s’abaisser à ce point, au risque d’être vaincu par les hommes.

            « Tu comprendras plus tard », lui a dit alors Jésus. Et il est vrai que nous comprenons souvent plus tard des événements, dont l’importance nous dépasse. Pas seulement en revenant sur le passé, mais en percevant aujourd’hui, d’une autre manière, ce que nous avons vécu il y a des mois ou des années, en ne sachant pas dépasser les apparences.

            Et le geste fondateur de l’Eucharistie a de quoi étonner. Et c’est pourquoi il ne peut jamais être facile. Cette lamelle de pain que nous mangeons, qui entre en nous comme une nourriture, c’est le Christ vivant, qui accepte non seulement de demeurer au milieu de nous, mais d’être reçu en nous, et jusque dans nos corps. Et si nous acceptons de communier ainsi au Christ, alors nous acceptons de devenir des membres de son Corps.Jeudi saint 2

         Car l’Eucharistie fait l’Église, elle fait de l’Église le corps du Christ, non pas une juxtaposition d’individus qui s’ignorent, mais un ensemble vivant dont le Christ est le cœur et la tête. Communier au Christ, c’est donc accepter que la force du don dont Jésus est porteur se diffuse en nous et entre nous, et que nous apprenions à nous reconnaître les uns les autres comme reliés dans le même Corps.

            Je vous assure que les nouveaux baptisés, quand ils communient pour la première fois, après avoir reçu le baptême, comprennent cela : cette incorporation mystérieuse à une réalité qui nous dépasse et qui nous empêche de nous replier sur nous-mêmes.

            Peut-être même que la présence parmi nous de personnes divorcées qui ne communient pas au Corps du Christ et qui en souffrent nous rappellent à tous que l’Eucharistie ne peut jamais être une formalité ou un acte automatique.

            Et il est bon que, dans la vie ordinaire de nos paroisses, l’adoration du Christ de l’Eucharistie, silencieuse et paisible, retrouve toute sa place : tout être humain a accès à cette présence réelle et cachée, à cette Alliance qui vient tout renouveler de notre humanité.

            « C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez vous aussi comme j’ai fait pour vous. » L’Eucharistie que crée le Christ appelle les gestes du service fraternel, les gestes de l’accueil mutuel, de l’attention, de la bienveillance, du pardon. L’Eucharistie nous appelle et nous apprend à vivre de la Charité du Christ. Le sacrement reçu exige cette pratique d’une fraternité réelle, qui n’est pas du sentiment, mais un engagement, comme Celui qu’a pris Jésus, à travers le geste du pain rompu, signe de son corps livré pour nous et pour que nous vivions de ce don.

 

X Claude DAGENS

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