Le blog de Mgr Claude DAGENS

À LA SOURCE D'UNE CRÉATION NOUVELLE : LE CHRIST. Eucharistie à l'abbaye de Belloc, le 19 juillet 2015

25 Août 2015 Publié dans #Homélies

À LA SOURCE D'UNE CRÉATION NOUVELLE : LE CHRIST. Eucharistie à l'abbaye de Belloc, le 19 juillet 2015

Le Dieu vivant est passionné pour son peuple, qu’il appelle à témoigner de Lui dans ce monde, souvent si dur et si violent, si résistant à la paix. Ce peuple de Dieu, nous le formons, il est né de la foi d’Abraham, le père des croyants, et il naît sans cesse de la Pâque de Jésus Christ, en qui nous sommes réconciliés avec Dieu.

Tout, pour nous, prend sa source dans cette passion de paix et de réconciliation qui est au cœur de Dieu. Mais il est vrai que cette passion de Dieu s’exprime sous des formes différentes et nous sommes parfois tentés d’aggraver ces différences. Il est facile de penser et de dire que le Dieu de la première Alliance serait dur et violent, alors que le Dieu de l’Évangile ne serait que tendresse et bonté.

Les textes de la Parole de Dieu que nous entendons aujourd’hui pourraient renforcer ce préjugé terrible. D’un côté, le prophète Jérémie maudit les pasteurs d’Israël : ils ont laissé leur peuple se disperser et se perdre. Ils doivent s’attendre à être punis et rejetés par Dieu. De l’autre, voici Jésus en Galilée, face à des foules désorientées, perdues, comme des brebis sans berger. Il ne se résigne pas à cette situation de désarroi, que nous connaissons nous-mêmes au milieu de l’indifférence du monde, quand on se sent abandonné et même menacé par la violence ambiante. Sa Parole va être pour ces hommes et ces femmes un message d’espérance, l’expression même de la passion de Dieu pour que son peuple vive.

Inutile d’insister sur cette différence : le Dieu qui inspire les reproches de Jérémie et le Dieu de compassion dont Jésus est le témoin, c’est le même, et ce qui est commun à ces paroles différentes, c’est la passion de Dieu, c’est sa souffrance : il ne veut pas que les hommes se perdent, il ne veut surtout pas qu’ils ignorent ce que Lui, le Seigneur, vient réaliser pour eux : les réconcilier, les réunir, briser les murs de la haine et de la peur, susciter une humanité nouvelle où le mal et la violence n’auront pas le dernier mot.

Et cela, il l’a fait en Jésus, son témoin et son Fils. Et il ne l’a pas fait de l’extérieur. Il l’a fait en donnant à ce Fils de tout prendre sur lui de notre condition humaine, de notre mal, de notre violence, de nos forces de haine. Et l’apôtre Paul est bien placé pour comprendre : lui, ce juif intelligent et formé à Jérusalem, a été saisi par la puissance du Christ. Lui qui se croyait proche de Dieu, il a été comme dessaisi de lui-même, désarmé, converti, et associé, par toute son humanité, dans son corps, dans son intelligence, dans ses passions, à la Pâque du Christ.

Alors il a compris et il comprend au-dedans de lui-même ce qui s’opère dans l’événement et le signe de la Croix : c’est la défaite de la haine, c’est la destruction du mur de séparation non seulement entre les juifs et les païens, mais entre le Dieu vivant et les hommes mortels.

Oui, ce mur est détruit par la Passion du Christ. En sa personne et par sa Croix, il a détruit la haine. Rien n’empêche plus Dieu, en la personne de Jésus, de vaincre en nous tout ce qui résiste à sa vie, à sa puissance de pardon, à sa force de résurrection.

Un monde nouveau commence, qui n’aura pas de fin puisque sa fin est dans le Christ Jésus, le vainqueur de la mort. Et c’est cela, cet événement bouleversant de la Pâque du Christ qui nous donne de ne jamais nous résigner à tout ce qui peut continuer à nous menacer, à nous détruire et à détruire notre monde.

La plus grande nouveauté chrétienne, c’est ce courant invincible d’espérance, qui naît de la Croix de Jésus. En lui, nous sommes vainqueurs de tout ce qui nous brise.

Et pourtant nous ne sommes pas des naïfs. Nous savons qu’un mur de séparation s’étend sur des centaines de kilomètres, en Terre Sainte, entre l’État d’Israël et les Territoires palestiniens. Nous savons, comme le dit si vigoureusement notre pape François, que, dans tous nos pays, existent des attitudes et des pratiques d’exclusion et de rejet, par lesquelles on traite des êtres humains comme des déchets. Et nous faisons aussi l’expérience de ces séparations et parfois de ces haines qui empoisonnent les relations humaines, y compris dans nos familles.

Nous savons, mais nous ne désespérons pas. Nous croyons que la passion de Dieu pour nous et pour notre humanité entière, et pour notre terre, notre maison commune, cette passion est indéracinable. La Pâque du Christ n’est pas seulement un événement daté dans l’histoire. Elle est une source dans laquelle il est possible de venir nous renouveler : la source d’une Parole de vie, comme pour les foules de Galilée, et pour les apôtres, et la source d’une vie fraternelle dont l’Eucharistie est le ferment.

Le Christ vient. Il se donne, il se saisit de nous si nous le laissons nous saisir. En nous, il vient tuer la haine. En nous, il réveille la force de la réconciliation. En nous, il nous ouvre l’accès auprès du Père et il nous appelle, fortement, à ne jamais désespérer de notre monde si fragile et si dur, et à y devenir, avec Lui, à mains fortes et à bras étendus, et à cœurs ouverts, les témoins de son œuvre inlassable de paix et de vie.

+ Claude DAGENS, évêque d’Angoulême

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