Le blog de Mgr Claude DAGENS

Le Maghreb, le Proche Orient, l'Europe et le combat chrétien. EA du 13 mars 2011

14 Mars 2011 Publié dans #Edito Église d'Angoulême

 

           Les événements qui se déroulent actuellement au Maghreb et au Proche Orient sont d’une importance considérable. Nous devons le comprendre. Parce que ces soulèvements populaires expriment des souffrances profondes liées à la pauvreté et au chômage, et spécialement au chômage des jeunes, mais aussi parce qu’ils sont suscités par un incoercible besoin de liberté, de vie digne, de respect des droits de chaque personne, face à des pouvoirs autoritaires et dictatoriaux, qui ont confisqué l’État à leur bénéfice.

            Mais ce qui se passe là-bas est un appel pour nous, que l’on appelle Occidentaux, Européens : car nous nous sommes habitués à évaluer la situation de ces peuples à partir des seuls chiffres de leur croissance économique, et même si cette croissance économique est une réalité incontestablement positive, nous nous sommes interdits de comprendre que la vie d’un peuple, comme la vie de tout être humain, comporte aussi des éléments immatériels, spirituels, culturels, moraux, qui sont aussi très réels. Un peuple ne vit pas seulement de pain et d’argent, mais de liberté, de dignité et de respect.

            De sorte que les événements politiques qui surviennent ailleurs, comme hier en Europe de l’Est et comme demain, sans doute, en Chine, ces événements nous appellent, nous obligent à nous demander ce que nous voulons vraiment pour nos sociétés dites développées, si nous ne nous résignons pas à ce qui peut les rendre insensiblement, mais réellement inhumaines, irrespectueuses de la dignité de tout être humain, à commencer par les plus fragiles.

            Et cette exigence de dignité vaut pour l’embryon dans le ventre de sa mère, pour la personne âgée ou malade en fin de vie, et aussi – parce que cette exigence de dignité est indivisible – pour des hommes et des femmes que l’on manipule comme des objets ou comme des pions en fonction des lois d’un marché sans contrôle ou des seuls impératifs des performances techniques et financières.

            À ce moment-là, des conflits d’intérêt sont inévitables entre les calculs impérieux de la raison économique et les exigences de l’éthique, de la raison morale, qui est une composante primordiale de la raison humaine.

            Tous ceux qui connaissent et qui rencontrent des personnes handicapées, et tous les amis des communautés de l’Arche qui sont nombreux en Charente le savent bien : ces personnes que l’on dit handicapées sont extraordinairement révélatrices. Elles sont diminuées physiquement et psychiquement. Mais, avec tout ce qui les entrave, elles sont porteuses d’une étonnante capacité d’aimer et d’être aimé. Autrement dit, leurs limites et leurs handicaps n’empêchent pas du tout leur humanité profonde. Ce ne sont pas là des formules abstraites. Ce sont des réalités vivantes et qui valent pour beaucoup : jamais une personne humaine ne se réduit à ce qui la limite, ou la blesse, ou la handicape. Et cela vaut aussi pour des détenus, pour des prisonniers, pour des délinquants, pour des gens que l’on met à l’écart.

            Et que l’on ne dise pas que nous risquons ainsi de démotiver notre société dans sa lutte contre les actes de violence, de délinquance, d’incivilité ! La pratique du respect des autres et le refus intransigeant du mépris des autres, quels qu’ils soient, font partie du socle même de notre société et de notre laïcité. Comment pourrions-nous l’oublier ?

            Et alors que nous allons nous engager sur le chemin qui va vers Pâques, comment pourrions-nous oublier que l’homme ne vit pas seulement de pain, mais qu’il vit aussi de paroles vraies et d’abord de la Parole de Dieu devenue chair en Jésus Christ, notre frère ? La spiritualité chrétienne, parce qu’elle est pascale, nous appelle à lutter pour cette dignité des enfants de Dieu qui nous est commune. Ceux et celles qui se préparent actuellement au baptême le comprennent très bien. C’est à cause de Jésus-Christ et de sa Pâque que nous ne désespérons pas de notre monde qui est toujours en état de métamorphose.

 

 

Le 1er Mars 2011

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