Le blog de Mgr Claude DAGENS

L'ENSEIGNEMENT CATHOLIQUE DANS LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE ET DANS L'ÉGLISE. De la loi Debré aux temps actuels

20 Décembre 2009 , Rédigé par mgrclaudedagens.over-blog.com Publié dans #Conférences

Colloque pour le cinquantenaire de la loi Debré, à la Sorbonne, le 17 décembre 2009

 

 

 

Il est évident que cette journée n’a pas été conçue et voulue d’abord comme un acte de mémoire, mais comme un acte de réflexion et d’engagement.

            Qu’est devenu l’enseignement catholique en France depuis 50 ans, à la fois dans la société et dans l’Église, et quelles sont les exigences actuelles de sa mission ?

            Je suis heureux d’être associé à cette réflexion et à cet engagement. Je vais répondre à ces questions en faisant appel à mes convictions, qui sont celles d’un évêque, institutionnellement lié à l’enseignement catholique de son diocèse, et aussi celles d’un homme qui s’interroge sur la place et le rôle de l’Église catholique dans notre société sécularisée.

            C’est à ce carrefour que je voudrais me situer, là où se mêlent l’expérience pastorale et le discernement historique, d’autant plus que le fauteuil qui est le mien à l’Académie française a été celui de Michel DEBRÉ, avant d’être celui de François FURET, puis de René RÉMOND.

            Je vous livrerai donc sans attendre les convictions que je voudrais partager avec vous.

·        Il me semble d’abord que la loi DEBRÉ du 31 décembre 1959 a été et demeure un acte majeur de la République laïque qui a fait passer l’enseignement catholique en France d’une logique d’opposition à une logique d’association à l’éducation nationale. Savons-nous assez ce qu’a impliqué et ce qu’implique encore aujourd’hui un tel passage ?

·        Mais cette logique d’association oblige l’enseignement catholique à manifester son identité, son « caractère propre », si l’on veut, d’une manière exigeante, non pas extérieure, mais intérieure à son engagement éducatif. Il est urgent de mesurer les exigences d’un tel engagement qui vaut aussi bien par rapport à l’Église que par rapport à la société.

 

 

 

I – D’UNE LOGIQUE D’OPPOSITION À UNE LOGIQUE D’ASSOCIATION

 

            1. L’affirmation de l’autorité de l’État

 

            On l’a peut-être oublié : l’accueil fait à la loi Debré par les catholiques de France a été relativement mitigé et même réservé. Et l’on peut comprendre les raisons de cette réserve : cette loi ne se présente pas du tout comme une loi de rupture avec la tradition laïque. Son premier article concerne l’enseignement public, dont il est dit : « L’État prend toutes les dispositions utiles pour assurer aux élèves de l’enseignement public la liberté des cultes et de l’instruction religieuse ». Ce qui est évidemment une manière de faire écho à l’article 1 de la fameuse loi de 1905, dite de « séparation entre les Églises et l’État », qui affirmait de façon positive : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes ».

            Cette loi du 31 décembre 1959 ne se présente donc pas comme une loi qui accorderait des privilèges aux écoles catholiques, comme l’avait fait le régime de Vichy par la loi Carcopino de 1941. C’est une loi qui manifeste l’« autorité » de la République laïque par rapport à l’ensemble du système éducatif, public et privé, et cette expression de « République laïque » figure dans le texte de la Constitution de 1958, où elle a été expressément voulue par le Général de Gaulle.

            La loi Debré rompt, d’une certaine manière, avec la logique qui prévalait aussi sous la IVe République, où les subventions accordées à l’enseignement catholique étaient constamment soumises à des jeux d’influence politiciens. Désormais, c’est l’État qui s’engage en faisant prévaloir son autorité et en cherchant à susciter, au moins indirectement, sinon une réconciliation, du moins un rapprochement entre l’enseignement public et l’enseignement dit privé, ou plutôt les établissements privés, par le moyen des contrats d’association.

 

 

            2. L’enseignement catholique est compatible avec la laïcité de l’État

 

            Il faut mesurer le changement considérable qu’impliquait en 1959 la mise en œuvre institutionnelle et financière d’une telle logique d’association, aussi bien du côté de l’État que du côté de l’Église. Car associer ainsi l’enseignement catholique à l’éducation nationale, tout en reconnaissant son caractère propre, était une manière de rompre avec une longue tradition d’opposition qui prévalait en France depuis plus d’un siècle, et en particulier depuis le moment où les grandes lois laïques de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle avaient porté à son paroxysme la guerre des deux France : la France catholique et monarchiste faisant face à la France républicaine et anticléricale. Les deux systèmes d’enseignement, le catholique et le public, correspondaient, dans une large mesure, à chacun des deux camps politiques et idéologiques.

            Certes, cette opposition frontale s’était beaucoup atténuée au fil de l’histoire, surtout après la première et la seconde guerre mondiale, à cause de la fraternité qui s’était réalisée, dans l’épreuve, entre les adversaires des deux bords. Mais, sous la IVe République, la guerre scolaire continuait à couver et les ultras des deux camps savaient très bien la réveiller pour servir les intérêts de leurs groupes.

            L’acte d’autorité de 1959 n’a pas seulement une portée politique. Il touche aux racines culturelles des antagonismes d’antan. Il fait apparaître ce qui avait été déjà pressenti depuis longtemps par tous ceux qui, des deux côtés, avaient compris le caractère artificiel et dépassé de ces antagonismes.

            La République laïque doit accepter de se désacraliser. Elle n’a pas besoin pour exister de s’armer d’une idéologie anti-catholique. Il lui suffit de s’appuyer sur les principes de la neutralité et de la liberté de conscience…

            Quant à l’Église catholique, elle pourra reconnaître peu à peu qu’il existe une pratique acceptable de la laïcité, conçue non pas comme un système conquérant, mais comme un cadre institutionnel qui permet de faire la distinction entre ce qui relève du pouvoir politique et ce qui relève des réalités spirituelles.

            Pour être respectueux de l’histoire, sans doute faut-il ajouter que les prises de conscience suscitées par le Concile Vatican II autour des années 62-65, notamment autour de la liberté religieuse qui exclut toute contrainte, et qui s’enracine dans la dignité de la personne humaine et de la conscience, ont fait beaucoup pour que l’Église catholique renonce à ces rapports de forces auxquels elle avait été longtemps soumise et accepte d’être non pas une contre-société opposée à l’État laïque, mais le Corps du Christ présent à l’intérieur de la société commune.

 

            3. Le développement de l’enseignement catholique

 

            Il est évident qu’à partir des années 60, l’enseignement catholique a connu un développement continu, non seulement du point de vue du nombre de ses établissements sous contrat, mais dans le domaine des innovations pédagogiques, en manifestant sa capacité d’ouverture à tous, selon les dispositions de la loi Debré et aussi selon l’inspiration originelle des nombreuses congrégations enseignantes auxquelles il est lié.

            Pour être tout à fait réaliste, il faut tout de même préciser que ce développement institutionnel ne s’est jamais accompli sans difficultés et sans tensions, à la fois internes aux établissements et à l’Église tout entière.

            Dans les années 70, en particulier, un courant critique à l’égard de toute institution, et notamment des institutions catholiques et spécialement des institutions de l’enseignement catholique, s’est fortement affirmé. Certains considéraient que la liberté de la mission chrétienne exigeait sinon d’abandonner, du moins de prendre ses distances à l’égard de ces structures considérées comme trop lourdes et même non conformes à l’Évangile. Dans ce contexte critique, les engagements éducatifs ont été parfois dévalorisés au profit des engagements politiques et sociaux que l’on considérait comme plus missionnaires. De sorte que l’enseignement catholique a souffert de se sentir plus ou moins marginalisé, ce qui a pu le conduire à prendre lui-même ses distances à l’égard de l’Église.

            Au risque d’être trop bref, on peut dire qu’aujourd’hui, en ce début du XXIe siècle, le contexte est tout à fait différent, pour des raisons qui sont d’abord culturelles et sociales, et non pas institutionnelles. Le monde de l’éducation, aussi bien du côté de l’enseignement public que de l’enseignement privé, est devenu un monde fragile, par suite des « ruptures de traditions » qui ont fortement ébranlé aussi bien la tradition catholique que la tradition laïque, et à ces profondes « ruptures de traditions » s’ajoute le fait évident que la société actuelle est marquée par l’incertitude, voire par l’inquiétude, plus que par l’assurance.

            L’ensemble du système éducatif doit faire face à ces conditions culturellement et socialement différentes. Ce n’est donc pas l’heure de réveiller les conflits ou les préjugés d’antan. Et pour l’enseignement catholique, c’est l’heure de mettre résolument en pratique ce que le statut adopté par les évêques de France en 1992 affirmait avec beaucoup de netteté :

            «  L’enseignement catholique témoigne de la volonté de la communauté chrétienne de prendre part institutionnellement à la responsabilité de la nation vis-à-vis de l’enseignement et de l’éducation. Il manifeste qu’en un tel domaine, où les activités entreprises sont inséparables du sens de l’homme qui les sous-tend, l’Église catholique a des propositions à faire aux familles de ce pays, dans le respect de la liberté de conscience de chacun » (Préambule du Statut de l’enseignement catholique promulgué par la Conférence des évêques de France, 14 Mai 1992, n° 2).

 

 

 

II – LA MISSION ACTUELLE DE L’ENSEIGNEMENT CATHOLIQUE : SES ENJEUX ET SES EXIGENCES

 

            Cette mission est relativement claire : l’enseignement catholique demeure durablement associé au service public de l’éducation nationale, selon la logique de la loi Debré, mais cela lui demande, dans des conditions nouvelles, de se situer résolument à l’intérieur de la société commune, telle qu’elle est, incertaine et fragile, et d’y inscrire intelligemment la Tradition chrétienne. Intelligemment : c’est-à-dire de l’intérieur de son engagement éducatif.

 

 

            1. Faire face aux évolutions du service public

 

            Le terrain du service public est devenu un terrain complexe, avec des logiques institutionnelles également complexes, d’ordre à la fois administratif, juridique, financier et politique. Il ne s’agit évidemment pas d’ignorer ces logiques. Il s’agit de les comprendre et de les mettre à leur place, autant qu’il est possible.

·        Première logique institutionnelle : celle qui est liée au rôle de l’État, et l’on sait combien la méfiance est facile, dans le monde catholique, face à ce que l’on imagine comme une emprise excessive de l’État. Cette attitude s’est manifestée au moment du vote de la loi Debré. Elle s’est réveillée face à la loi Censi du 5 janvier 2005. Il me semble qu’ici, il faut être réaliste et constater une diversification considérable des niveaux d’interventions de l’État, qui vont des déterminations nationales aux décisions prises par les Régions, les départements et les communes. Je ne suis pas sûr de tout comprendre dans ce domaine, mais je comprends au moins ceci : avant de critiquer ou de refuser ces décisions venant des pouvoirs publics, il est indispensable de s’expliquer. Dans notre société si fragmentée, je souhaite que l’enseignement catholique fasse valoir les exigences et l’utilité de ces confrontations et de ces rencontres personnelles, pour contenir les méfiances a priori.

·        Seconde logique institutionnelle : celle qui mêle de plus en plus le public et le privé, de sorte que peuvent coexister ce qui se réfère à l’autorité publique et ce qui fait appel à des modes de gestion privés. Et les frontières peuvent alors devenir relativement mouvantes, à l’intérieur même de l’éducation nationale autant que dans l’enseignement catholique. Je me demande donc s’il n’y aurait pas intérêt parfois à confronter nos expériences et nos convictions dans ce domaine, sur ce terrain qui est proprement politique, puisqu’il s’agit de s’interroger sur l’autorité de l’État et sur les logiques de privatisation.

·        Troisième logique institutionnelle : celle qui fait appel aux règles du marché, elles-mêmes appliquées au monde de l’éducation. De sorte que c’est la loi de la concurrence qui devient la plus déterminante dans le choix des parents pour leurs enfants, et cela vaut dans tous les sens, de l’enseignement public à l’enseignement privé, et de l’enseignement privé à l’enseignement public.

            On comprend alors que des normes communes seraient nécessaires pour maîtriser ces va-et-vient plus ou moins imprévisibles, surtout si l’on veut pratiquer, au moins dans certaines régions, une plus grande mixité sociale.

            Je sais que ces phénomènes sont complexes, qu’ils échappent aux prévisions des logiques institutionnelles. Raison de plus pour faire en sorte que les lois du marché et de la concurrence ne prévalent pas de manière plus ou moins sauvage, et qu’elles soient mises au service de l’engagement éducatif.

 

 

            2. Inscrire la Tradition chrétienne à l’intérieur de la société commune

 

            Dans ce contexte à la fois fragile et mouvant, que peut l’enseignement catholique ? Comment les établissements catholiques d’enseignement peuvent-ils se situer à partir de ce que le statut de 1992 appelle les projets éducatifs eux-mêmes portés par des communautés éducatives ?

            Je n’ai pas la prétention d’indiquer des règles de fonctionnement. Je voudrais m’en tenir à ce qui peut et doit inspirer l’enseignement catholique dans le déploiement actuel de sa mission.

 

·        Un premier élément me semble primordial : c’est ce que l’on appelle communément l’ouverture à tous. Je le dirai autrement : c’est ce qui fait que l’enseignement catholique porte en lui, par nature et par vocation, une orientation vers l’universel. Autrement dit, avec sa tradition particulière, qu’il n’hésite pas à se vouloir au service de tous, et même à souhaiter que quelque chose de cette tradition puisse être compris et reçu par ceux et celles qui n’y adhèrent pas !

            Il me semble que cette ouverture à l’universel peut se pratiquer au moins sur deux terrains : celui des questions d’humanité commune que des jeunes portent en eux, et celui des finalités de notre société en état d’incertitude.

            - Ces questions d’humanité commune, je les perçois, comme vous, chez les jeunes que je rencontre. Elles touchent à la grammaire élémentaire de l’existence : « Pourquoi vivre ? Pourquoi ne pas se donner la mort ? Pourquoi aimer la vie même quand elle est difficile ? Où trouver des références et des points d’appui pour avancer ? Comment distinguer le bien du mal ? Comment faire des choix sensés ? »

            Nous sommes là sur le terrain de l’éducation, et c’est un terrain prioritaire, et je ne crois pas que ce terrain puisse être radicalement séparé du terrain de l’enseignement. Le travail sur ce terrain passe évidemment par des personnes, et spécialement par des enseignants et des enseignantes, dont il faut reconnaître plus résolument qu’ils exercent un véritable « ministère » (ou métier) de confiance et de confiance risquée.

            Et, par rapport à ce terrain-là, j’ose rêver : quand viendra le jour où des enseignants ou des enseignantes de l’enseignement public et de l’enseignement catholique pourront confronter leurs responsabilités éducatives, par rapport à cette grammaire élémentaire de l’existence, qui est leur terrain commun ? Peut-être que nos rêves feront avancer les initiatives institutionnelles.

            - Quant au second terrain que j’ai évoqué, c’est celui des finalités de notre société incertaine. Au-delà des insatisfactions immédiates, une question nous habite : « Que voulons-nous vraiment pour notre société ? Au prix de quels engagements sommes-nous prêts à résister à ce qui la déshumanise, à ces logiques perverses qui traitent les êtres humains comme des objets ou comme des pions ? Que faire pour que l’éducation pratique effectivement l’attention aux personnes, en donnant à des jeunes des raisons non pas directement de vivre, mais de déployer les aptitudes qui sont en eux et de s’insérer dans la société ? »

            Les établissements scolaires, et en particulier les établissements catholiques d’enseignement, ne peuvent pas ignorer ces questions de finalités sociales, puisqu’il s’agit de situer l’éducation dans le cadre d’une ville, d’une région, d’un quartier urbain ou périurbain, ou d’une zone rurale en voie d’appauvrissement. Les projets éducatifs ne peuvent pas se contenter de règles de fonctionnement internes à un établissement. Ils doivent garder en perspective cet horizon large de notre société et donner ainsi à des jeunes des perspectives qui dépassent leur individualité. Voilà ce qui donne à l’enseignement catholique sa dimension politique : ce souci de l’inscrire à l’intérieur d’un monde commun dont on désire le développement.

 

·        Il est évident que cette ouverture à la grammaire élémentaire de l’existence comme aux finalités de notre société est inséparable de la tradition chrétienne. Mais il faut aller plus loin. Il faut comprendre davantage où s’enracine cette tradition à travers quels actes, quelles pratiques elle peut se déployer.

            Peut-être que nous, chrétiens, nous l’avons oublié. Le christianisme, dès les origines, ne se présente pas d’abord comme un système religieux, mais comme une nouvelle compréhension du monde qui passe par une éducation continue. L’éducation n’est pas un élément annexe de l’identité chrétienne. Elle en est constitutive. Et elle comporte en permanence un travail de réception, d’interprétation et d’initiation.

            Cela est relativement facile à expliquer : la Révélation chrétienne de Dieu ne tombe pas du ciel. Elle passe par des textes et des paroles, par l’Écriture, par la Bible. Ces textes et ces paroles demandent à être lus, compris, écoutés, et aussi interprétés. C’est un travail permanent d’intelligence. Et, en même temps que les textes et les paroles, il y a aussi des signes et des gestes, qui font partie de l’initiation chrétienne : je pense aux signes et aux gestes liés aux sacrements, mais aussi aux signes et aux gestes de la charité, qui passent par des paroles d’accueil, de service, d’accompagnement.

            J’aimerais pour finir exprimer un souhait : je voudrais – et je le crois possible – que l’enseignement catholique se demande, sans se rallier à des affirmations sommaires, comment l’identité catholique peut s’inscrire dans la vie d’un établissement.

            Je crois qu’il serait bon de distinguer les divers niveaux de cette identité, en les reliant les uns aux autres. Autre le niveau ordinaire et vital de tout ce qui concerne l’attention aux personnes, aussi bien du côté des élèves que du côté des enseignants, avec le travail quotidien de rencontre et de dialogue qui doit se réaliser alors. Autre le niveau de l’initiation sacramentelle qui ne peut pas être ignoré, parce qu’il s’agit pour des jeunes, ou pour des adultes, de devenir chrétiens au milieu des autres, à partir du baptême, de la confirmation, de l’Eucharistie : et il me semble qu’il faut donner toute sa place à ce langage des signes de Dieu qui passent par des personnes, surtout dans une culture qui a parfois du mal à reconnaître la valeur de ce qui n’est pas rentable.

            Mais, face à de tels signes personnels d’appartenance chrétienne, je dois formuler une remarque qui me paraît importante, parce qu’elle indique une réalité nouvelle dont n’avons pas encore pris la mesure. Aujourd’hui, la foi chrétienne ne peut pas être considérée comme résultant d’une contrainte sociale. On ne devient pas chrétien par contrainte, mais par un acte de liberté, et un acte qui est parfois onéreux. Je souhaite que, dans l’enseignement catholique comme dans l’enseignement public, on comprenne davantage que le christianisme se situe effectivement et personnellement du côté de la liberté.

            Et c’est pourquoi j’ose aussi exprimer un souhait que je partage avec un penseur agnostique, Marcel GAUCHET, quand il nous oblige à comprendre ceci : dans nos sociétés sécularisées, les traditions religieuses, et en particulier la Tradition chrétienne, ne sont pas rejetées. Elles sont méconnues. Elles doivent donc oser se manifester de l’intérieur de ce qui les anime. Et cela exige de nous, croyants, que nous apprenions à nous expliquer raisonnablement sur ce que nous croyons et que nous encouragions des jeunes à dire leurs raisons de croire ou de ne pas croire.

            Et enfin – et ceci est également nouveau – il est évident qu’en étant chrétiens dans une société qui n’est pas chrétienne, nous ne rêvons pas d’imposer notre foi. Mais nous pouvons espérer que quelque chose de ce que nous croyons passera pour d’autres à travers l’exercice de nos responsabilités éducatives. Ce n’est évidemment pas un rêve de reconquête. C’est une fidélité à la Tradition chrétienne, dans ce qu’elle a de plus ouvert et de plus précieux…

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