Le blog de Mgr Claude DAGENS

Faut-il oublier Mai 68 ? EA 18 mai 2008

20 Mai 2008 , Rédigé par mgrclaudedagens.over-blog.com Publié dans #Edito Église d'Angoulême

           Je suis presque d’accord avec Daniel COHN-BENDIT dont le dernier livre s’intitule : « Oublier Mai 68 ». Oui, je crois comme lui qu’il vaudrait mieux « oublier Mai 68 », au lieu de céder à la manie commémorative de son 40ème anniversaire. Cet oubli me semble répondre à deux raisons fondamentales.

            Première raison : les « événements » de Mai 68 demeurent extrêmement difficiles à interpréter. Ils se prêtent au moins à deux interprétations radicalement opposées : pour les uns, ces événements expriment une contestation destructrice, ruineuse, appuyée sur une pensée nihiliste d’inspiration plus ou moins nietzschéenne, pour d’autres, ils sont comme la prophétie d’une société nouvelle, libérée de toutes les contraintes qui s’imposeraient de l’extérieur. Entre ces deux interprétations antagonistes, il est difficile de choisir. Reconnaissons plutôt le caractère complexe et ambigu de ces événements.

            Seconde raison : je crains bien, avec d’autres observateurs, que cette inflation commémorative ne soit le signe d’un malaise profond. En ce début du XXIème siècle, notre société incertaine a du mal à regarder vers l’avenir. L’avenir fait peur à beaucoup de jeunes et d’adultes. Nos horizons politiques sont limités. Même les perspectives concernant l’Europe ne sont pas très larges, ni très claires. Alors, face à cet avenir incertain, et à ce temps qui n’est plus porteur de promesses, il est tentant et même facile de se retourner vers le passé et même un passé mythifié et rêvé plus que réel. Les commémorations actuelles ont surtout une valeur consolatrice.

            Mais au-delà de l’oubli, que faire ? Penser le temps présent et le penser vraiment en s’y engageant avec toutes les énergies  dont nous sommes porteurs. Et pour nous, disciples de Jésus, avec l’énergie de l’espérance chrétienne qui ne peut pas nier que « la création tout entière est en travail d’enfantement », qu’elle souffre, qu’elle attend la révélation d’une humanité nouvelle délivrée de la peur, de l’injustice et du mensonge (Cf. Paul aux Romains 8, 18-22).

            À nous de pratiquer, par rapport au temps présent, un discernement réaliste : au milieu même de ce qui disparaît ou qui s’efface, à nous de voir ce qui germe, ce qui vient au monde, parfois douloureusement, à partir de signes modestes de générosité, de don de soi, de ténacité, de courage.

            À nous de mettre en relief et en valeur, aussi bien dans la société que dans l’Église, ces lueurs d’aurore qui sont aussi réelles que les obscurités du crépuscule, comme disait jadis le Père CARRÉ.

            À nous d’être inlassablement des sentinelles de l’invisible, de l’invisible du Royaume de Dieu qui n’en finit pas de germer parmi nous et en nous. Ne le voyez-vous pas ?

            J’aime cette belle « CONFESSION D’UN CARDINAL » parue il y a quelques mois sous la plume d’un laïc, Olivier LE GENDRE. Ce cardinal imaginaire écrit ceci : « L’enveloppe visible, extérieure, de l’Église est de plus en plus faible, mais ce qu’elle abrite, et parfois cache, est extrêmement vivant ». (Confession d’un Cardinal, J. Cl. LATTÈS, 2007, p.408).

            Je suis tout à fait d’accord avec ce jugement qui nous oblige au réalisme de la foi et de l’espérance chrétiennes, en mai 2008.

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