Le blog de Mgr Claude DAGENS

Face au suicide : le combat de l'espérance chrétienne. Editorial d' "Eglise d'Angoulême" du 3 juillet 2011

3 Juillet 2011 Publié dans #Edito Église d'Angoulême

            Tout suicide est un événement bouleversant, parfois prévisible, parfois aussi inattendu, inimaginable. Je dis bien tout suicide, et non pas le suicide en général. Car il y a d’abord des personnes qui se donnent la mort, et nous, les vivants, nous sommes alors mis ou remis devant le mystère, c’est-à-dire la réalité profonde de cette personne qui, à un certain moment, a accompli cet acte suicidaire. Et qui l’a accompli pour des raisons qui nous dépassent et qui la dépassaient sans doute elle-même : l’incapacité de faire face à des difficultés insurmontables, un sentiment écrasant d’indignité ou de culpabilité, des brisures personnelles et familiales, et bien d’autres situations dramatiques.

            Que faire devant cet événement qui nous bouleverse ? Que faire devant ce qui nous dépasse et parfois nous submerge dans ce mystère de mort, de vie vaincue par la mort ?

            - C’est d’abord le silence qui s’impose. Précisément parce que nous sommes dépassés et que les paroles immédiates seraient de peu de poids par rapport à la détresse dont nous sommes témoins.

            Le silence peut aussi conduire à la prière : ou plutôt au silence devant le Père des miséricordes, Celui qui « seul sonde les reins et les cœurs », devant le Christ Sauveur qui « sait ce qu’il y a dans l’homme, et lui seul le sait. » Et dans ce silence, tout peut passer : la stupeur, la révolte, les questions sans réponse, le sentiment de culpabilité. Comme dans tant de rencontres de l’Évangile, où des hommes et des femmes reconnaissent Jésus comme celui qui « vient chercher et sauver ce qui était perdu » (Luc 19,24).

            - Mais il y a plus à faire, dans les conditions actuelles de notre société si dure, si fragile, et parfois si désenchantée, dans laquelle des personnes se trouvent seules pour faire face à ce qui les accable. Je pense notamment à des hommes et à des femmes du monde rural qui sont comme « pris à la gorge » par des logiques économiques et financières, face auxquelles ils se sentent impuissants. Et j’entends encore cette femme à qui quelqu’un demandait pourquoi elle n’avait pas plus tôt fait appel à des aides d’urgence : « Nous avons notre dignité. »

            Nous ne pouvons pas nous résigner à ces situations de détresse et de solitude qui peuvent avoir des conséquences mortelles, au sens propre. Et nous ne pouvons pas laisser penser que la dernière solution serait la mort que l’on se donne.

            Face au suicide, il y a la compassion nécessaire. Mais la compassion ne suffit pas, surtout quand la compassion est instrumentalisée par les médias. L’espérance chrétienne va au-delà de la compassion : elle ne se contente pas de pleurer avec ceux qui pleurent, elle veut puiser à une source réelle qui est la Pâque de Jésus Christ : mort et résurrection, descente aux enfers (oui, descente aux enfers, là où sévit la puissance du néant) et relèvement. Et l’Esprit Saint vivant en nous nous apprend à résister à la mort, à la tentation de la mort, à la force parfois terrible du désespoir ou à celle de la résignation qui démolit des consciences et des cœurs.

            Comme disciples de Jésus Christ, nous sommes appelés à militer pour la vie, pour l’amour de la vie que Dieu donne. Ce combat-là, nous le menons à travers des engagements réels, des actes de solidarité, et aussi à travers ces petits signes d’attention mutuelle, de compréhension, d’amitié qui, parfois, contribuent à sauver de la mort. Au travail !

 

Le 19 juin 2011.

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