Le blog de Mgr Claude DAGENS

DES PAROLES ET DES SILENCES. Eucharistie lors de la journée de rencontre des équipes du Mouvement des Chrétiens retraités, à La Couronne, le 16 septembre 2010

17 Septembre 2010 Publié dans #Homélies

Le plus étonnant dans ce récit de la « pécheresse pardonnée » (Luc 7,36-50), ce ne sont pas seulement les paroles, ce sont les silences.

            Et pourtant les paroles de Jésus sont révélatrices, et pour cette femme qui va être pardonnée, radicalement (« Ta foi t’a sauvée ! Va en paix ! »), et pour ce pharisien qui connaît la loi de Dieu, mais qui ne sait pas aimer.

            Mais les silences sont encore plus révélateurs. C’est d’abord le silence de cette femme : elle est entrée sans bruit, et aussitôt, elle va vers Jésus, et sans dire un mot, elle se met à ses pieds, elle se révèle par ses larmes et par ce parfum qu’elle a emporté et qu’elle verse avec respect sur les pieds de Jésus, parce qu’elle attend de cet homme de ne plus être traitée comme un objet.

            Mais l’autre silence – et il doit être lourd – c’est celui des invités, ces hommes qui observent Jésus, et qui le jugent, et qui voient sans doute en lui un ignorant ou un provocateur. Il devrait savoir qui est cette femme et l’écarter aussitôt !

            Et le pire, c’est le silence qui suit les paroles de Jésus : « Qui est cet homme qui semble avoir une autorité aussi grande que celle de la loi de Moïse, puisqu’il pardonne à cette femme ? »

            Et il ne faut pas s’y tromper : cette confrontation est dramatique. Elle annonce la passion de Jésus : ces hommes qui l’observent ce jour-là en silence sont les mêmes qui participeront à son exclusion définitive, plus tard.

            Mais Jésus est reconnu par cette femme, comme « Celui qui vient chercher et sauver ce qui était perdu », le Ressuscité.

 

            Mais quel rapport entre ce récit tellement révélateur et nos existences ordinaires, parfois si ternes ou si éprouvées ?

            Je suis sûr que vous l’avez compris. L’Évangile du Christ est compromettant, ce n’est pas de la guimauve ou de l’eau tiède. C’est la promesse qu’une force de résurrection est à l’œuvre au milieu de toutes les secousses de nos existences.

            Tant mieux si nous pouvons nous mettre du côté de cette femme, qui se sait condamnée par les regards des autres ! Tant mieux si nous avons gardé en nous la liberté d’aller vers Jésus en osant tout lui remettre de nos vies, pour qu’il puisse tout renouveler ! Tant mieux si nous réapprenons à désirer et à recevoir le pardon du Christ, par le ministère d’un prêtre ! Surtout si nous avons besoin d’ouvrir notre cœur et notre mémoire blessés par le mal : « Ta foi t’a sauvée ! Va en paix ! » Cette parole est efficace, parce qu’elle vient de Jésus Christ qui a affronté la puissance du mal et qui est ressuscité, vivant, là, devant nous !

            Quant aux pharisiens du récit, ne disons pas trop vite : « Ce sont les autres ! » Nous sommes, nous aussi, capables de cultiver en nous-mêmes ce qui nous empêche de voir l’amour de Dieu à l’œuvre chez des personnes, plus ou moins mises à l’écart, de tant de manières visibles ou cachées !

            L’Église que nous formons est faite de pécheurs et de pharisiens, mais elle est d’abord l’Église du Christ, elle est appelée à pratiquer ce qu’il a lui-même pratiqué : non pas l’indulgence pour le péché, mais la liberté d’accueillir ceux et celles qui n’osent plus croire en leur dignité d’hommes, de femmes, d’enfants de Dieu !

            Ce qui nous est alors demandé, ce n’est pas seulement d’être plus solidaires les uns des autres, c’est de manifester vraiment, parfois avec courage, cette force de vérité et de résurrection qui a sa source dans le Christ !

            Le renouvellement de vos équipes et de notre Église tout entière passe par là : certainement par un travail de dialogue, de rencontre, de visite, mais aussi par une conversion permanente de nos cœurs et de nos regards ! Mais qu’il est beau de rencontrer ces hommes et ces femmes qui sont là silencieux et qui attendent, à tout âge, d’être renouvelés par le passage du Seigneur !

            Je vous le demande : que vos équipes respectent les silences de chacun, surtout si les silences correspondent à des blessures ou à des attentes profondes ! Mais que vos équipes vous encouragent aussi non pas à former de petites « tribus » plus ou moins catholiques, mais des signes de vie fraternelle, de confiance partagée, de pardon aussi, de pardon mutuel, s’il le faut, et aussi – et cela est possible à tout âge – de reconnaissance et d’admiration ! Car nous avons besoin de reconnaître et d’admirer, pour accueillir le pardon de Dieu, comme cette femme de l’Évangile… Elle reconnaît, elle admire et elle aime… Elle est sauvée…

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